Super Conquérant
Je me souviens des petits cahiers à grands carreaux avec une marge tracée d'une ligne rouge. Il ne fallait surtout pas y écrire : elle était réservée aux remarques de l'instit. Au dos du cahier, il y avait les tables de multiplication. J'aimais beaucoup celle des 7, peut-être parce qu'elle était toujours en bas à gauche. N'étant pas encore toulousain, sachant à peine que cette ville existait (je préférais de loin l'Amérique du Sud, dont je dessinais et coloriais les cartes le dimanche, alors que mes parents regardaient Télé-Dimanche et le jeu de la Chance, sans savoir que bien des années plus tard je lirais et relirais "Cent ans de Solitude" en prenant des notes pour bien comprendre les liens de parentés de cette famille improbable), je m'interrogeais sur la signification du sous-titre de certains de mes cahiers : Cahier d'essais.
Je regrette maintenant que ces cahiers se soient perdus, jetés au feu au début des vacances. J'aimerais y retrouver la couleur de l'encre violette, ou celle des premiers stylos à bille. Ils ne devaient pas pourtant contenir de bien grands secrets : quelques divisions sur lesquelles je butais, tel une mouche apeurée sur une vitre fermée, quelques dates historiques que j'avais du mal à retenir comme 1515 ou 800.
Maintenant, d'autres cahiers m'accompagnent, mais je ne leur confie que des secrets professionnels. Quelqu'un qui les lirait attentivement saurait y déchiffrer mes états d'âme, en fonction de la fréquence des mises à jour, ou des rencontres qui y sont consignées.